La propriété intellectuelle pour les nuls… Mais ai-je le droit d’utiliser ce titre ?
Ou celui-ci « Voyage au bout de la propriété intellectuelle » ou encore « La propriété intellectuelle contre-attaque » voire « L’odyssée de la propriété intellectuelle », à moins que « A la recherche de la propriété intellectuelle »… ?
Et si pour illustrer mon article et vous encourager à le lire, j’ajoutais un photo montage de (au choix) Margot Robbie ou Brad Pitt en maillot de bain tenant un code de la propriété intellectuelle avec mon nom écrit comme ceci :
Julie OREAU ou peut-être comme cela : JULIE MOREU…
Vous me répondriez certainement que ma communication n’est pas terrible et vous auriez raison. Chacun son métier.
Il est donc préférable que je me concentre sur ma spécialité en vous expliquant les points essentiels et les précautions à prendre en matière de propriété intellectuelle au regard de votre activité créative.
Pour commencer, qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?
Elle se compose de deux branches :
- La propriété industrielle qui est une récompense à l’innovation et aux investissements, qui doit obligatoirement faire l’objet d’un dépôt et qui porte sur trois titres : les brevets (qui protègent les inventions techniques), les dessins et modèles (qui protègent l’apparence, le look, le design d’un produit) et les marques (qui confèrent un monopole sur un signe pour une catégorie de produits et de services identifiés dans le dépôt).
- La propriété littéraire et artistique qui est une récompense à la création, qui n’est soumise à aucun dépôt préalable et qui regroupe le droit d’auteur et les droits voisins (c’est-à-dire des producteurs et des interprètes essentiellement).
L’ensemble de ces droits ont en commun de conférer à leurs titulaires un droit privatif, c’est-à-dire un périmètre réservé à l’intérieur duquel ils vont disposer d’un monopole, qui est une exception au principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
Toutes atteintes portées à ces droits (reproduction, plagiat, copie…) constituent une contrefaçon.
Avec tous ces droits, comment protéger ses idées ?
Et bien, on ne peut pas.
En effet, en droit français, les idées et les concepts sont dits « de libre parcours ».
Cela signifie que même géniale, une idée non matérialisée ne peut pas être appropriée et n’importe qui (comme un prospect indélicat par exemple) peut reprendre une de vos idées et la formaliser à sa façon. Donc, au stade des simples idées, il vaut parfois mieux rester discret ou s’être assuré, au moyen d’un accord de confidentialité par exemple, que les informations qui seront communiquées resteront confidentielles.
En revanche, si elles sont concrétisées c’est-à-dire matérialisée dans une forme perceptible (écrit, descriptif, esquisse, vidéo, audio…), les idées peuvent être protégées.
Protection par le droit d’auteur
En dépit de leurs noms, le droit d’auteur et la propriété littéraire et artistique plus largement ne se limitent pas aux beaux-arts et s’appliquent à tous domaines comme l’informatique, le stylisme, le droit, la science, l’enseignement… et donc sans hésiter à la communication sous toutes ses formes.
Une seule condition : l’originalité, définie comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Il faut qu’il y ait un apport créatif, des choix esthétiques, un engagement personnel de sa part.
La matérialisation banale d’une idée sans apport créatif ou fondée sur des éléments connus n’est pas protégeable par le droit d’auteur (mais peut potentiellement l’être par la notion de concurrence déloyale et/ou de parasitisme…).
L’originalité peut émaner de dessins, d’images, de sons, de musiques, de photographies, d’animations, de contenus rédactionnels, de créations graphiques, de visuels… Peu importe de quoi il s’agit et peu importe la qualité ou le mérite de la création. A partir du moment où elle est originale, l’œuvre est protégée et cette protection dure pendant toute la vie de son auteur et 70 ans après sa mort.
Aucune formalité mais quelques précautions
Aucune formalité n’est nécessaire : contrairement aux droits de propriété industrielle (brevet, marque, modèle), le droit d’auteur existe du seul fait de la création même inachevée et même non divulguée.
Cela signifie que les projets qui sont restés au fond de vos tiroirs ou de vos disques durs sont potentiellement protégeables et protégés.
Il est toutefois important de pouvoir prouver votre qualité d’auteur ainsi que la date de vos créations.
Plusieurs outils sont à votre disposition :
- L’enveloppe Soleau : c’est un service payant en ligne proposé par l’INPI
- Il s’agit d’un outil efficace pour se constituer une preuve mais attention, cette démarche n’est pas créatrice de droit : autrement dit, ce n’est pas parce que vous aurez déposé une enveloppe Soleau que votre création en deviendra originale et sera protégée : si elle est dénuée d’originalité, l’enveloppe Soleau n’y changera rien.
- Et inversement, ce n’est pas parce que vous n’aurez pas déposé d’enveloppe Soleau que vous ne bénéficierez d’aucune protection.
- L’envoi d’une LRAR à soi-même permet également de dater avec certitude son contenu.
- Ainsi, vous pouvez vous envoyer à vous-même le support de votre choix (visuels, descriptifs, photographies, clé USB, disquette non je rigole…), NE PAS L’OUVRIR, l’archiver précieusement et si nécessaire, le jour venu, la faire ouvrir par un huissier qui en attestera la date et le contenu.
- Le dépôt d’une copie auprès d’un notaire ou d’un commissaire de justice a également le même but mais présente un coût plus élevé.
- En complément, tout élément daté identifiant clairement la création est intéressant (mises en ligne datées comme réseaux sociaux ou sites internet, publicités, catalogues, bons de commande, de livraison, de recette, participations à des expo, des salons…).
Exploitation du droit d’auteur
Hormis quelques cas spécifiques (logiciels et œuvre collective), il n’existe pas de cession automatique ou tacite des droits d’exploitation sur une œuvre.
Deux conclusions à en tirer :
- Ce n’est pas parce que votre client vous a rémunéré pour votre prestation qu’il a automatiquement acquis les droits sur le résultat de votre travail créatif.
- Ce n’est pas parce que le travail créatif a été réalisé par un salarié, un alternant ou un stagiaire que les droits sur l’œuvre sont automatiquement dévolus à l’employeur.
Dans les deux cas, une seule mesure à mettre en place : régulariser en bonne et due forme une cession des droits d’exploitation précisant la durée, le territoire et les droits cédés (reproduction, représentation, adaptation, traduction…) en ayant toujours à l’esprit que ce qui n’est pas écrit n’est pas cédé.
A noter enfin que seuls les droits d’exploitation sur l’œuvre peuvent être cédés mais pas les droits moraux à savoir notamment le droit au respect du nom de l’auteur, le droit de retrait ou de repentir ainsi que le droit au respect de sa paternité, qui sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles.
Contact
Julie Moreau
Avocat au Barreau de Lille
Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
03 20 12 10 60 – 06 62 46 59 69
julie.moreau.avocat@gmail.com
Julie Moreau