La loyauté : une réelle obligation au moment de négocier ?
Relations entreprises / prestataires : une obligation de loyauté rappelée par la Cour de cassation et confirmée par la charte des compétitions exemplaires et des achats raisonnés initiée et signée ce 24 mars 2022 par Place de la Communication et Lille Events.
Dans la phase de négociation de leurs contrats, entreprises et prestataires doivent adopter un comportement loyal. La charte des compétitions exemplaires et des achats raisonnés devrait les encourager sur cette voie.
De son côté, l’article 1112-1 du Code civil leur impose un devoir d’information précontractuelle généralisé. Que ce soit l’entreprise ou le prestataire, celui qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Comment ça se traduit concrètement ? Un exemple :
Le devoir de loyauté a été rappelé par la Cour de cassation le 26 janvier 2022.
Dans cette affaire, la société TF1 Publicité, en qualité de régisseur du portail Bouygues Télécom, imposait qu’en matière d’achat d’espaces publicitaires l’annonceur lui donne la liste des espaces publicitaires souhaités pour le semestre à venir. Mais il devait également préciser le prix qu’il était disposé à acquitter pour obtenir ces espaces sans qu’il sache le prix qu’étaient prêts à payer les autres annonceurs.
La réponse de la régie était alors élaborée en fonction de ce prix d’achat annoncé qu’elle justifiait par l’importance des demandes formulées par d’autres annonceurs pour les mêmes espaces publicitaires.
Or, d’une part, la régie était la seule à connaître l’ensemble des prix proposés par les autres annonceurs pour un espace publicitaire donné, sans les communiquer aux annonceurs intéressés. D’autre part, ce mode opératoire n’était pas expressément prévu dans les conditions générales de vente du régisseur.
La régie plaçait ainsi ces annonceurs dans une situation de « tout ou rien » car ils étaient dans l’obligation :
– soit de renoncer à acquérir tout espace publicitaire sur le portail Bouygues Télécom pour le semestre considéré, et en conséquence ne pas être visible par les utilisateurs de ce portail d’accès,
– soit d’accepter sans discuter la proposition de la société TF1 Publicité, comprenant une part significative d’espaces non désirés, en étant dans l’impossibilité, en vue d’obtenir un plus grand nombre d’espaces souhaités, d’améliorer le prix d’achat initialement offert, en raison de la méconnaissance du prix proposé par les autres annonceurs en concurrence pour l’acquisition du même espace publicitaire.
Comme la société TF1 Publicité disposait, pour sa part, de toutes les informations sur les prix d’achat proposés par les autres annonceurs, elle pouvait ajuster sa proposition de vente d’espaces publicitaires. Mais, du fait de l’opacité ainsi entretenue par la régie, les annonceurs ne disposaient pas, de leur côté, des informations équivalentes leur permettant d’ajuster leurs propres propositions de prix d’achat.
Quelles conséquences pour le régisseur ?
Dans un arrêt du 26 janvier 2022 (RG n° 20-10.897), la Cour de cassation a décidé que ce mode d’attribution opaque imposé par le régisseur ne permettait pas à l’annonceur de négocier effectivement les prix d’achat des espaces publicitaires alors que de son côté le régisseur pouvait, grâce aux informations obtenues, ajuster ses propres propositions de vente d’espaces.
Pour la Cour, le régisseur a engagé sa responsabilité en soumettant son partenaire commercial à des obligations qui ont créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
La société TF1 Publicité a donc été condamnée à indemniser l’annonceur victime de cette pratique.
Contact
Vincent Platel
Avocat au Barreau de Lille
Intervenant en Droit de la communication à l’ISTC
Secrétaire général de Place de la communication
03 28 04 52 55
contact@platel-avocat.fr
LinkedIn : Vincent Platel